A propos de L’oeil pense, les rendez-vous avec l'art latino-américain
L'Oeil pense : Rencontres mensuelles autour de l'art Latino-Américain
À propos de L’oeil pense
L'œil pense est la première action du tout nouveau département Amérique latine de l’IESA en 2015. Ce département se donnait pour objectif d’organiser des activités et rencontres "hors les murs” pour permettre aux étudiants d’élargir leur vues et leur réseaux.
Très vite, il est apparu que le partenaire idéal pour le département Amérique latine de l’IESA était la Maison de l'Amérique latine, lieu central à Paris où la culture et l’art du l'Amérique latine sont exposés de la plus belle manière, depuis la fin de la seconde guerre mondiale sous l’impulsion du général de Gaulle.
Anne Husson, directrice culturelle de la Maison a accueilli l'idée avec enthousiasme et depuis, hormis la période Covid, nous avons pu assurer ce rendez devenu incontournable pour les artistes et les professionnels du secteur. L'œil pense suit l’actualité des expos et des passages à Paris des artistes latino-américains à Paris et propose également des séances de fond, sur l’art du XXe siècle ou les grands mouvements de l’art moderne.
Pendant les premières années ces séances étaient enregistrées et notre projet aujourd’hui est de mettre en ligne ces conférences magistrales sur des thèmes très variés et riches. La responsable du département Grécia Cacères remercie Anne Husson et la la Maison de l'Amérique latine pour leur soutien indéfectible depuis le début et Boris Grebille, directeur de l’IESA qui a créé avec elle ce département.
Entretien avec Anne Husson, directrice culturelle de la Maison
Quelques questions posées à Anne Husson, directrice culturelle de la Maison de l'Amérique latine, co-organisatrice de L’oeil pense.
Comment définiriez-vous L'Oeil pense ?
Lorsque, avec Grecia Caceres, nous avons voulu baptiser ces rencontres autour de l'art latino-américain, du nom de L'Œil Pense, c'était dans l'esprit jubilatoire de faire naitre un dialogue infini entre l'image et le discours, le visuel et la réflexion, le sensible et l'analyse. Quoi de plus évident et opportun pour nous que d'avoir voulu reprendre une partie du vers du grand poète mexicain Octavio Paz, qui dit L’œil pense, la pensée voit, le regard touche. L'œil est partout, le regard est constant, et nous avons besoin de comprendre et déchiffrer, au-delà de la contemplation poétique, ce qui se cache derrière le geste d'un-e créateur-rice.
Comment est née l'idée de proposer ces rencontres mensuelles autour de l'art contemporain à la Maison de l'Amérique latine ? Et pourquoi le partenariat de l’IESA ?
Il nous est apparu qu'il y avait un grand manque à Paris d'un espace de discussion, de partage de savoirs et d'échanges autour de l'art latino-américain, et qu'à un moment où la scène parisienne offrait un choix de plus en plus riche en expositions d'artistes latino-américains - XXe et XXIe siècle -, en événements culturels, en initiatives collectives et individuelles - et une richesse de chercheurs travaillant eux-mêmes sur l'art latino-américain (et aussi l'architecture), il était urgent et nécessaire de se faire l'écho de cette actualité-là, d'une part, et de cette discipline-là, de façon générale, au sein d'une actualité. La scène artistique, alors qu'elle devenait de plus en plus vivante, était restée en quelque sorte orpheline d'un relais d'information, de débats, contrairement à la littérature latino-américaine qui a bénéficié de davantage d'attention et d'éclairage de la part du public et de spécialistes, et a été beaucoup plus popularisée au cours des trois dernières décennies. Cela n'a pas été du tout le cas de l'art latino-américain, resté plus marginal et plus absent dans les consciences, excepté pour ce qui est des grands courants comme le Muralisme mexicain, ou plus proche de nous et toujours très contemporain, l'art cinétique.
Le partenariat avec l'IESA a donné tout son sens à ces rencontres mensuelles. Pour la Maison, il était précieux qu'une école d'art avec sa structure et ses outils pédagogiques, son expertise, son public d'étudiants, et le département Amérique latine qu'anime Grecia nous accompagnent. Ce partenariat nous a apporté un tout nouveau et jeune public, étonné de découvrir qu'il existait une institution française (et non latino-américaine) dédiée à l'Amérique latine à Paris, désireux de se frotter à un autre monde. L'apport de ce regard extérieur venant d'une jeunesse délestée de tout apriorisme sur l'art latino-américain ne pouvait qu'être stimulant.
Comment procédez-vous pour monter le programme trimestriel ?
Nous scrutons l'actualité, regardons ce qui se passe dans les musées, les galeries, les foires, les salons, les résidences d'artistes, et il y en a ! Nous faisons le guet, pour ainsi dire, nous sommes des vigiles...Nous essayons d'être réactifs par rapport à la venue d'artistes à l'occasion d'événements dans la capitale. Des artistes, mais aussi des acteurs de l'art comme des collectionneurs, des galeristes, des conservateurs de musée, des critiques d'art, des influenceur-euses, des universitaires chercheurs/doctorants étudiant tout particulièrement un sujet de grand intérêt. Les équations sont riches et variées dans le paysage artistique au moment où nous devons dessiner le programme d'invitation des intervenants. Dans cette phase-là, c'est la touche "L'Œil écoute", comme disait Paul Claudel, qui parle...(sourire).
Quels ont été les moments où les invités les plus remarquables ?
Je me souviens de la soirée de lancement de ces Rencontres, consacrée à l'artiste cubain WIfredo Lam, que le Centre Pompidou célébrait sous forme d'imposante rétrospective, d'une conférence autour d'illustres et moins illustres photographes latino-américains de la collection de la Bibliothèque Nationale, d'une intervention autour de Pablo Reinoso avec les commissaires de la BienalSur dont le siège se situe à Buenos Aires, en 2019, de Géométries Sud avec la Fondation Cartier, d'une soirée autour de femmes spécialistes de Frida Kahlo à l'occasion de la publication d'une immense monographie chez Taschen sur l'artiste de Coyoacan, d'une conférence sur l'architecte qui a dessiné le MASP de Sao Paulo, d'un duo artiste/curatrice Lassla Esquivel/Alicia Paz, entre autres…
La dernière session de l'Oeil Pense a eu lieu le 29 novembre 2022 à de 19h
Rencontre avec les artistes Eulalia DE VALDENEBRO ET Roberto BARBANTI.
Eulalia DE VALDENEBRO, artiste-botaniste, explore dans son travail une perspective décoloniale sur la relation entre les humains et le monde végétal au travers de son corps. Dans cette conversation, trois de ses pratiques artistiques vous seront présentés :
- une appropriation critique de l'illustration botanique scientifique et des spécimens d'herbiers
- l'élaboration d'une sculpture vivante dans la ville de Bogotá avec des espèces de lianes de la forêt andine
- une vidéo-performance réalisée dans les páramos colombiens où l'artiste renverse les processus extractivistes dans une perspective écosophique.
La perspective décoloniale dans son travail a deux approches, l'une fait référence à la relation hégémonique que nous, les humains, établissons avec le monde végétal, et l'autre fait référence au lieu d'énonciation de l’artiste, femme racialisée en tant que « blanche », héritière d'une élite qui a forgé un tissu profondément inégalitaire et violent dans la société colombienne contemporaine.
Eulalia De Valdenebro (Popayán-Colombie, 1978) est artiste-botaniste et chercheure. Professeure à l’Universidad Nacional de Colombia, à Bogotá, Docteure en Esthétique, Sciences et Technologies des Arts de l'Université Paris 8. Elle a récemment soutenu sa thèse à Paris 8 sous la direction de Roberto Barbanti.
Roberto BARBANTI est professeur émérite au département Arts plastiques de l’Université Paris 8. Cofondateur et codirecteur de la revue Sonorités (2006-2017). Membre du comité scientifique de la maison d’édition Eterotopia France. Ses thèmes de recherche concernent l’écosophie, l’écologie sonore et l’art contemporain.