L'exposition Nous qui habitons vos ruines aura lieu à la galerie de l'IESA arts&culture du 22 au 27 juin. Ce projet est organisé par Coline-Lou Ramonet, lauréate 2020 du Prix Juvenars-IESA organisé chaque année depuis six ans par les Bachelor 1 Expertise et Commerce de l’art.
“L’option d’apprendre à vivre dans les ruines est l’option d’apprendre à penser sans la sécurité de nos démonstrations” Isabelle Stengers, Réactiver le sens commun, lecture de Whitehead en temps de débâcle. Voilà ce qu’annote Coline en haut du document partagé où j’écris ce texte de présentation. Parler de son travail plastique sans au moins évoquer le nom d’Isabelle Stengers, scientifique et philosophe belge, serait en effet une erreur, puisqu’en écho à sa pensée, les pièces de Coline échappent à l’autorité des sciences dures, sciences que le temps a rigidifiées, érigé en reines, ces sciences qui, répétées par des milliards de voix, ont recouvert le chant des autres possibles.
La démarche artistique de Coline est celle d’une enfant qui a grandi dans une famille où science dure et magie dialoguaient au quotidien, s’épousant l’une l’autre sans chercher à établir de hiérarchie entre elles. Et c’est au contact de la forêt dressée drue derrière sa maison d’enfance, que Coline s’est sentie écoutée et observée par les alentours pour la première fois. C’est pourquoi ses sculptures et installations vous sentent, vous écoutent, vous regardent et que certaines, même, se taisent à votre approche. “Tu peux passer à côté de mes pièces, mais elles – comme les roches, les plantes, les arbres et et les insectes – elles ne te louperont pas”.
En somme, les pièces de Coline sont des îlots de poésie qui flottent à la surface de notre océan de rationalité. Des îlots qui nous permettent de faire un pas de côté pour nous considérer non plus en tant que centre du monde, mais en tant que maillon d’un ensemble régi par l’interdépendance et la réciprocité.
“Je crée des mondes à partir de trois fois rien” explique t-elle. À partir du plâtre, du papier, du bois et du grillage. Mais aussi à partir des crayons de couleurs, et de son ordinateur qu’elle utilise pour capturer des images qu’elle transforme ensuite en dessins numériques. En face de l’entrée, vous pouvez d’ailleurs voir l’image qui a inspiré cette exposition. Elle est extraite du téléfilm de Claude-Jean Bonnardot, L’invention de Morel (1967), dont elle présente le jardin luxuriant d’une île que le protagoniste croit déserte. Si l’on plisse les yeux, on remarque des présences fantomatiques en arrière-plan. “Le sujet, c’est la ruine d’un lieu mais aussi la ruine des corps humains”, m’envoie Coline par message. De l’atmosphère opaque de ce jardin en suspens où l’on se réveille en sursaut, se sont comme évadés les dessins, les sculptures et les installations de Coline. Au beau milieu d’une nature qui reprend ses droits sur ce qu’on lui avait spolié.
Nous qui habitons vos ruines est la plongée dans un écosystème qui ne nous attend pas. Un écosystème qu’on bouleverse un peu plus à chaque pas.
Mév Pacaud