Du 12 mars au 28 avril 2020, l'artiste franco-mexicaine Carmen Mariscal présente sur la Place du Palais-Royal (Paris 1er) une installation inédite intitulée Chez Nous.
Le commissariat d'exposition est assuré par notre alumni Lassla Esquivel, MBA in Contemporary Art, enseignante désormais à l'IESA arts&culture mais aussi à Christie's Education Londres.
Réalisée à partir des grilles et des cadenas retirés du pont des Arts et du pont de l’Archevêché, l’artiste y explore la symbolique de la maison en tant qu’espace psychique et questionne le sens des relations amoureuses. Le projet est né d’une préoccupation de l’artiste concernant certains ponts parisiens qui se sont vus menacés par le poids des cadenas que les touristes attachaient sur leurs grilles comme preuve d’amour.
Carmen Mariscal s’est interrogée sur ces pratiques amoureuses qui consistent à symboliser l’union d’un couple par un cadenas, puis de jeter la clef dans la Seine. L’amour est-il une chaîne ? Doit-il enfermer, marquer l’appartenance et la possession ? Que se passe-t-il lorsque le foyer ne représente plus un espace de protection ? La maison, hermétique, symbolise l’ambiguïté d’une relation qui a l’air parfaite vue de l’extérieur, mais qui garde bien ses secrets de l’intérieur…
Cette oeuvre nous rappelle aussi que les objets sont porteurs de mémoire, que chaque cadenas renferme l’histoire personnelle d’un couple, leurs rêves et leurs désirs.
Carmen Mariscal avait déjà travaillé sur le poids des traditions subi par les femmes, notamment dans La novia puesta en abismo (1997 - 1998) [La fiancée mise en abyme], La esposa esposada (2018) [L’épouse menottée] et Calladita te ves mas bonita (2019) [Sois belle et tais-toi]. Ces différentes oeuvres explorent les injonctions sociales plus ou moins tacites auxquelles les femmes doivent se plier : un schéma mariage-enfants dans lequel elles sont supposées s’épanouir, ou autrement être invisibilisées par la société.
La sculpture Chez Nous est conçue comme une « maison-prison » de 3m de haut et pesant près de 5 tonnes ; elle est la matérialisation symbolique des pièges conjugaux et domestiques.
La sculpture est à la fois solide et fragile, obscure et lumineuse. Elle est pour Carmen Mariscal un espace archétypal qui doit inviter le passant à une réflexion sur l’amour et sa permanence à travers les aléas du quotidien.
Comment un simple geste insouciant - des touristes voulant laisser une trace de leur passage et de leur attachement à la ville - peut-il porter le poids d’un héritage normé, sexué, et oppressant ?
Les amoureux souhaitent sceller un pacte et rêvent souvent d’une vie commune, de fonder un foyer... L’idée du cadenas qui enferme, sépare, met sous clé leur est vraisemblablement étrangère.
Pour le philosophe Gaston Bachelard, la maison possède le pouvoir d’intégrer les pensées, les mémoires et les rêves de l’humanité, elle est un grand berceau. Mais, que se passe-t-il quand le « berceau » n’est plus un espace d’ouverture et de paix ? Que se passe-t-il lorsque nous perdons la notion de foyer en tant qu’espace protégé ?
En lien avec des thématiques environnementales, comme la conservation du patrimoine urbain, mais aussi engagée dans la sensibilisation pour l’émancipation des femmes et la défense des droits humains - notamment des victimes ayant subi des violences familiales - cette oeuvre résonne en tout un chacun par les thématiques universelles et actuelles qu’elle aborde.